"Oh les enfants, regardez comme c'est joli un lapinou qui convulse !"

Alors que je me rendâsse dans un magasin de proximité à tendance bobo pour m'acheter ripaille, un élément a attiré mon attention dans le rayon "Pâquasses". Comme vous le savez, on va recommencer ce cirque qui consiste à faire croire aux enfants que des clochasses volent dans le ciel et font tomber comme des petites maladroites, des oeufs en chocolat dans le jardin d'enfants joyeux et bien naïfs.

C'est bête un enfant !

Entre croire qu'un vieux mec immortel puisse voler sur une luge avec des rennes et transporter des milliards de cadeaux dans une mini hotte, qu'une souris puisse se passionner pour les dents et laisser une pièce sous l'oreiller en échange d'une molaire, et que des cloches puissent, de leur plein gré, faire un pélerinage en dindonguelonant et en laissant choir des chocolats me laisse perplexe sur la santé mentale d'un gosse.

Bref, revenons à ce qui a attrapé mon regard.  C'est ceci :

Voilà l'objet du délit.

Plusieurs éléments choquent mon esprit pur et sain de petit oiseau tout fragile qui aime les forêts et les animals.

On notera tout d'abord le drame hypocrite qui se joue ici.

Bambi et sa maman se baladent peinard dans la forêt. C'est une belle journée de printemps, le ciel est bleu, les sapins sapinent, les champignons sont en pleine érection, et même si l'écureuil semble s'en battre les noisettes, on sent la tension qui règne dans cette scène.

Un homme et son chien partagent ce moment fort en émotions diverses. Le chien prend un air distant mais concentré.

L'homme, une espèce d'Eroll Flynn à chapeau de pêche et tenue kaki-camouflage, sourit, paisible.

Comme dans le monde heureux des enfants, on pense qu'ici tout le monde est joyeux, d'ailleurs le daim sourit aussi.

C'est beau.

Sauf que Playmobil nous l'a fait bien à l'envers. L'homme est un chasseur. Ses jumelles le font passer pour un amoureux de la nature qui observerait en toute discrétion une nature paisible, mais dans son dos, ce salopard de traîtresse cache un fusil.

Comme le putain de faux-jeton qu'il est, il tend le bras et sa mono-main vers le faon pour faire un câlin.

Fuis Bambi ! Fuiiiiis !

Car que va t-il se passer après ? La main-pince du chasseur va choper le coup du chevreuil égaré qui n'avait pas vu le coup venir parce qu'il n'a jamais vu Histoires Naturelles sur TF1, puis l'homme, porté par sa mission de grand régulateur de la nature, va attraper sa carabine et loger une jolie petite balle dorée dans le crâne de Bambi, qui convulsera une bonne dizaine de minutes avant de rejoindre le paradis des daims.

Dans la panique, l'écureuil recouvert de sang et de morceaux de cervelle s'étranglera avec sa noisette, mettant de longues heures à suffoquer en voyant sa vie défiler (des mousses, des noisettes, des mousses, des noisettes...), et le chien envahit par son instinct de bon compagnon de l'humain s'acharnera sur les sabots du faon en lui déchiquetant morceau par morceau, sa petite patte si fragile qui ne connaitra jamais l'adolescence, le dépucelage et les sorties en boîte de nuit.

Playmobil, en avant les histoires !

Vous remarquerez également que cette invitation à la boucherie est autorisée à partir de 3 ans.

J'imagine bien la scène à la maison :

la petite fille de 3 ans : "Papa, pourquoi le monsieur il a un fusil ?"

le papa : "Ben euh...pour se promener dans la forêt et...et...tu veux un Kinder ?"

la maman : "Chéri, il faut lui dire la vérité !"

le papa : "Heu, oui, bon alors en fait, y'a des messieurs qui...euh...tu sais quand tu manges des nuggets, ben avant le nugget c'était un animal et pour le transformer en nugget, il faut...euh...le tuer...

la petite fille : "C'est quoi le tuer ?"

la maman : "Chéri, sois courageux, dis-lui !"

le papa : "Ben c'est comme quand tu dors mais en fait c'est pour toujours..."

la petite fille : "Moi quand je dors je peux être un nugget ?"

la maman : "Olala, t'es pas clair avec elle, sois plus direct, j'ai épousé un mec ou pas ?"

le papa : "Grrmmmbllll...Bon vous me faites chier à la fin, écoute ma chérie, le monsieur il a une arme parce qu'il va buter cette putain de biche, il va lui loger 4 pruneaux dans le bide et après la biche elle va crever en souffrant le martyr parce qu'elle va se vider de son sang, et après le chien va déchiqueter la biche en morceaux, et le monsieur il va faire une omelette au daim et inviter tous ses copains chasseurs, et ils vont se partager les morceaux, même le coeur, et ils boufferont la biche comme des porcs ! Voilà t'es contente ?!!!"

la petite fille : "WOUUIIIIIIIIINNNNNNNNNNNNNNNNNN !"

la maman : "T'es vraiment qu'un connard Jean-Paul, je veux divorcer !"

Playmobil qui n'est pas a une excentricité près, orne son packaging d'un petit logo étonnant : un homme blondasse et efféminé qui porte une fleur à son chapeau et qui est assez dégueulasse pour ne pas se raser la tronche.

Comment une marque de jouets peut-elle considérer que la chasse est un jeu amusant ? Comment peut-elle imaginer une telle mise en scène, montrant aux enfants la balourdise des humains, fourvoyant ainsi des générations entières de petits êtres purs et naïfs ? Evidemment, si le chasseur avait mis en joue la biche on aurait crié au scandale, mais là c'est pire ! Le chasseur tente le câlin pour mieux choper sa proie. Derrière une scène bucolique se cache toute l'horreur de la situation et du carnage à venir.

En une seule image, Playmobil montre aux enfants ce qu'est vraiment la vie : une demi-tonne de merde derrière un beau papillon.

Je suis scandalisée !

Je ne parle pas de l'autre nouveauté de Playmobil : l'écurie complète avec les chevaux OU plus simplement on pourrait dire, la fabrique de lasagnes.

Puisque c'est comme ça, je vais offrir des Lego.